A Gaza, les combats urbains tournent au carnage
LE MONDE | • Mis à jour le |Hélène Prudhon (Gaza, envoyée-vous
Premier engagement frontal entre l'armée israélienne et les combattants du Hamas, la bataille de Chadjaiya, faubourg est de Gaza, constituera probablement, par le nombre de tués, un tournant dans l'offensive que mène Israël contre le territoire palestinien, depuis le lancement de sa phase terrestre, jeudi 17 juillet.
La journée de dimanche a été la plus meurtrière, pour les deux camps. Treize soldats israéliens du corps d'élite Golani ont été tués dans une embuscade aux abords de Chadjaiya. Leur véhicule blindé aurait d'abord été touché par un missile antichar, type RPG7, avant d'être soumis au feu nourri des combattants des brigades Ezzedine Al-Qassam, bras armé du Hamas.
Cette attaque porte à 18 le nombre de tués parmi les soldats israéliens. Les pertes dépassent dès à présent le bilan du dernier engagement au sol de Tsahal à Gaza, l'opération « Plomb durci » de l'hiver 2008. Dix soldats avaient alors perdu la vie.
Du côté des civils palestiniens, les combats intenses associés aux bombardements ont fait, en l'espace de quelques heures, 72 morts rien qu'à Chadjaiya, selon des sources médicales de Gaza. Pour la seule journée de dimanche, les pertes humaines ont franchi le seuil des 100 victimes à travers la bande côtière, dépassant les précédents bilans quotidiens relevés depuis le début de l'opération « Bordure protectrice ».
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La bataille de Chadjaiya marque le premier véritable engagement en zone urbaine et densément peuplée. La campagne de destruction des tunnels « offensifs » du Hamas s'était jusqu'à présent davantage concentrée sur les terres agricoles de la zone frontalière.
De source militaire israélienne, les combats livrés contre plusieurs positions du Hamas ont duré plus de sept heures. L'intensité des accrochages s'explique par le caractère stratégique, pour le mouvement islamiste palestinien, du quartier de Chadjaiya, qui relie au plus court la bande de Gaza et Israël.
« MASSACRE ATROCE »
Ce quartier est considéré par l'armée israélienne comme l'un des principaux bastions de la branche militaire du Hamas, d'où auraient été lancées près de 140 roquettes depuis le début des hostilités. Selon Tsahal, de nombreux tunnels débouchant au-delà des lignes frontalières auraient été creusés dans ce quartier situé à l'est de Gaza.
Le carnage de Chadjaiya a soulevé de vives réactions en Cisjordanie et dans le monde arabe. L'Autorité palestinienne l'a qualifié de « massacre atroce », tandis que le chef de la Ligue arabe, Nabil Al-Arabi, a condamné un « crime de guerre ».
Toute la journée de dimanche, des milliers d'habitants de Chadjaiya ont fui l'enfer des combats, marchant hagards sur les axes qui mènent au centre de la ville de Gaza, seul îlot encore relativement épargné par les bombardements.
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A l'hôpital central Al-Shifa, Monther, 27 ans, erre, le visage ensanglanté par un éclat d'obus, revivant les épreuves de la nuit : « Peu après le premier repas du ramadan, les drones ont commencé à nous bombarder, puis les tanks, et les hélicoptères. On ne voyait plus rien sauf la lumière des bombes. » Monther entame sa lente et terrible fuite, se faufilant à travers les trous des maisons bombardées. « Il y avait des blessés, des morts, mais je ne pouvais pas m'arrêterpour les aider. Les maisons étaient devenues des cimetières. »
« JE VAIS ALLER DIRECTEMENT À LA MORGUE »
Autre rescapé de Chadjaiya, Walid Habib est encore hanté par le « sifflement »paralysant des obus de chars, quelques secondes avant qu'ils ne transpercent les frêles habitations surpeuplées. « Nous avions reçu des tracts pour évacuer, il y a quelques jours, mais je ne m'attendais pas à un tel carnage. C'est comme si nous étions à Alep [ville martyre de la guerre en Syrie]. »
Depuis plusieurs heures, il cherche l'un de ses frères, disparu au cours de la nuit, alors que la famille tentait de quitter le guêpier mortel de Chadjaiya : « Je n'ai plus d'espoir. Je vais aller directement à la morgue », souffle-t-il, glacial. Durant leur fuite, son autre frère a eu la jambe déchiquetée par des éclats d'obus.
Il est 14 h 30, un cessez-le-feu humanitaire de deux heures, réclamé par la Croix-Rouge, est entré en vigueur une heure plus tôt, afin d'évacuer les blessés et les cadavres qui jonchent les rues et les décombres de Chadjaiya. Le délai est court. Les minutes filent et la colère grandit devant l'entrée de l'hôpital Al-Shifa. Un ambulancier est pris violemment à partie : « Que fais-tu encore là ? Va chercherles blessés piégés là-bas ! Pourquoi les laisses-tu tomber ? »
Aux abords du quartier, les ambulances se relaient, sirènes hurlantes, sans pour autant se risquer à entrer en profondeur. Des rafales régulières d'armes automatiques s'échappent encore des ruelles transversales. Au loin, des obus de chars continuent de s'abattre sur des cibles invisibles. L'arrêt des combats n'a été, de part et d'autre, qu'une vaine promesse.
Pris en étau dans cette bataille urbaine, des rescapés de Chadjaiya continuent àfuir. Parmi eux, plusieurs hommes portent en bandoulière une couverture, sous laquelle on devine une arme d'assaut. Des combattants du Hamas qui profitent du calme précaire de la trêve pour se replier. L'armée israélienne assure avoir eu face à elle plusieurs centaines de ces combattants, dimanche.
Le soir même, les brigades Ezzedine Al-Qassam revendiquaient à la télévision l'enlèvement d'un soldat israélien, provoquant des scènes de liesse dans les rues de Gaza et de Ramallah. Une information démentie ensuite par Tsahal.
- Hélène Prudhon (Gaza, envoyée spéciale)
Journaliste au Monde
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